Ça fait maintenant deux mois que je travaille au sein du projet PROGA-Jóvenes et j’imagine que certains se demandent « Que fais-tu au Nicaragua, et pourquoi? ».

Voici ma réponse :

Ce projet fantastique a l’objectif ambitieux d’améliorer des conditions de vie de 1 400 jeunes agriculteurs. Au total, en incluant les familles des jeunes avec qui nous travaillons également, nous estimons fournir de l’aide à environ 10 000 personnes.

Pour arriver à cette fin, on vise l’augmentation de leurs rendements agricoles, la diversification de leurs cultures, la transformation et la commercialisation de leurs produits. Tout cela en promouvant l’égalité entre les femmes et les hommes.

Mais pourquoi ces trois régions?

Premièrement, les régions d’Estelí, de Somoto et de Jalapa sont en très forte proportion rurale et agricole. Si dans les grandes villes, tous les services modernes sont présents, il en est tout autre dès que l’on s’éloigne un peu de ces centres. Ainsi, parfois à quelques kilomètres de ces centres, les réseaux d’eau potable, de collecte d’eaux usées, d’électricité, routier, d’éducation et de télécommunication sont souvent sous-développés, ou tout simplement absents. Ainsi, ces populations sont pauvres, sans accès aux services de base et vivent d’une agriculture de survivance.

Deuxièmement, ayant pour cause le manque d’eau pendant la saison sèche, ces régions font l’objet d’un fort exode rural pendant la période dite de « vaca flaca », littéralement « vache maigre ». Cette épreuve est par ailleurs amplifiée par les changements climatiques. Évidemment, les jeunes étant plus mobiles et moins expérimentés que les plus vieux, l’exode les cible particulièrement.

Troisièmement, ces mêmes jeunes sont parmi les moins fortunés du Nicaragua qui, faut-il le rappeler, est le 2e pays le plus pauvre d’Amérique, après Haïti. Ils sont souvent sans éducation, et n’ont accès à aucune forme de crédit. Par conséquent, ils sont contraints à occuper des emplois mal rémunérés, lorsqu’ils réussissent à en trouver un. Nous croyons également que l’apprentissage et la mise en application de nouvelles pratiques agricoles sont plus aisés avec les jeunes.

Finalement, les femmes sont souvent marginalisées. Elles ont moins accès à l’éducation et la plupart du temps sont confinées aux rôles traditionnels de la maison.

Par conséquent, nous visons l’éducation et le renforcement de l’entrepreneuriat des jeunes des régions rurales, en mettant un accès particulier sur le rôle des femmes.

Comment procédons-nous?

Nous procédons principalement par quatre axes :

  1. Amélioration des connaissances en agroécologie des jeunes par un programme complet de formation de trois ans, développé en partenariat avec l’INATEC et l’INPRHU, deux institutions nicaraguayennes. Les cours sont donnés directement dans les communautés, le plus près possible des jeunes.
  2. En donnant un appui technique aux jeunes, directement sur leur terre. Cet appui concerne les techniques agricoles apprises en classe, ainsi que sur les systèmes d’amélioration agricole.
  3. En octroyant un montant et un budget de microcrédit aux jeunes pour des initiatives de transformation et de commercialisation de leurs produits agricoles.
  4. En appuyant le démarrage des entreprises des jeunes par des ressources spécialisées en petites entreprises, et administration et en finance.

Quelques chiffres sur la situation du Nicaragua

Le Nicaragua est le 2e pays le plus pauvre d’Amérique, après Haïti. 46,5 % de la population est sous-employée. À l’échelle du pays, la pauvreté affecte 46 % de la population et la pauvreté extrême, près de 15 %. Néanmoins, une grande proportion de cette pauvreté vit dans les régions rurales. Ainsi, dans la région où nous travaillons, 79,5 % de la population vit dans la pauvreté, dont 35,6 % est en situation extrême.

À noter que la pauvreté extrême représente un revenu de moins de 1,25 $/jour (ou 450 $/an), et la pauvreté, 2,00 $/jour (ou 730 $/an).

Si certaines entreprises agricoles sont modernes, leur production est principalement tournée vers l’exportation et ne bénéficie qu’à un petit nombre de personnes. Ainsi, 80 % de producteurs du pays n’ont que de petites parcelles de 0,3 à 35 hectares. Malgré cela, ces derniers produisent 90 % du maïs, des fèves, du sorgho, du millet et du sésame au niveau national en utilisant principalement comme outil de travail que la machette.

De toute la population, les jeunes sont ceux qui souffrent le plus de la précarité de l’emploi. 40 % des jeunes sont au chômage. De plus, pour les jeunes ayant un travail, 55 % ont un salaire net ne permettant pas l’achat de panier complet de produits de première nécessité. Cette situation en cache également une autre, soit l’égalité homme-femme. En effet, si 20 % des jeunes hommes sont au chômage, du côté féminin, c’est 80 %.

Pour exacerber le tout, le pays souffre d’un important manque d’accès au crédit, limitant le développement des régions rurales, entre autres. Ainsi, seulement 0,5 % du microcrédit est destiné aux jeunes, avec des exigences de garantie le plus souvent démesurées par rapport aux capacités de ces jeunes.