Malgré les changements apportés au régime depuis la Révolution tranquille, en 1984, seulement 36 % des concessions avaient été révoquées (Dubois, 1995). Parallèlement, de grandes inquiétudes persistèrent quant à la pérennité de la ressource.

En effet, entre 1970 et 1980, 235 millions de mètres cubes de bois furent dévastés par les épidémies de la tordeuse des bourgeons d’épinette et entre 1976 et 1986, la récolte des bois par l’industrie crût de 30 % (MRNF, 2008g). C’est ainsi qu’en 1984, le ministère des Ressources naturelles de l’époque annonçait que sans une modification profonde du système de gestion forestière, la récolte de bois ne serait possible que pour 30 ans (Bouthiller, 2001). La table était mise pour un grand changement.

C’est ainsi qu’en 1986, le ministère effectua une refonte complète du régime de gestion forestière. Il remplaça ainsi la Loi sur les terres et les forêts par la Loi sur les forêts, qui entra en vigueur en 1987 (L.Q. 1986 c. 108). Par cette dernière, il abolissait les concessions et institua plusieurs nouvelles règles forestières, toujours valident de nos jours.

La possibilité forestière

L’une des notions fondamentales introduites par la réforme de 86 est le concept de possibilité annuelle de coupe à rendement soutenu. Notion à l’appellation indigeste, aussi appelée possibilité forestière ou encore possibilité ligneuse, elle est fondée sur le calcul de la croissance annuelle des arbres de la forêt. Elle est exprimée en mètres cubes de croissance annuelle par hectare par essence ou groupe d’essence d’arbre.

Un groupe d’essence important est le SEPM, pour Sapin, Épinette, Pin et Mélèze. C’est l’un des groupes prédominants de la forêt boréale.

De plus, les calculs de possibilité sont effectués sur des zones bien délimitées, soient les Unités d’aménagement forestier. Il y a aujourd’hui 74 de ces unités, qui séparent la quasi-totalité des territoires forestiers publics exploitables.

Carte des Unités d'aménagement forestier (Source de l'image : MFFP)

Carte des Unités d’aménagement forestier (Source de l’image : MFFP)

Il faut aussi souligner qu’avec cette réforme, il devient interdit de couper davantage de bois que ne l’autorise le calcul de la possibilité. Ainsi, le ministère a l’obligation de ne pas délivrer de permis autorisant davantage de coupe que cette possibilité. Cela signifie qu’en théorie, il ne se coupe jamais plus de bois que ce qu’il pousse, pérennisant ainsi l’exploitation forestière et rendant possible le rendement soutenu sans perte de capacité productive.

On le voit, le calcul de cette possibilité est l’un des points centraux du système actuel.

Permis d’intervention et Contrats d’approvisionnement et d’aménagement forestier

Il devient aussi obligatoire de détenir un permis afin de pouvoir opérer en forêt. Les permis sont le plus souvent octroyés par contrat. L’un des principaux est le Contrat d’approvisionnement et d’aménagement forestier (CAAF). En 2004, près de 97 % des attributions de bois en forêts publiques étaient octroyées aux détenteurs de CAAF (CÉGFPQ, 2004). Aussi, seulement les propriétaires d’usines de transformation peuvent obtenir un CAAF. Ces contrats sont par ailleurs accordés pour une période de 25 ans, mais révisés tous les cinq ans.

C’est dire l’importance de ces contrats, qui remplacent, dans une certaine mesure, les anciennes concessions forestières.

L’une des différences fondamentales entre les concessions et les CAAF, c’est l’obligation par ces derniers de respecter la possibilité qui leur est attribuée par permis. Aussi, ces contrats obligent certains aménagements forestiers afin de remettre en production les forêts coupées. Cette dernière mesure a pour objectif la régénération des forêts où la coupe a eu lieu.

Un dernier élément est l’obligation de respect du Règlement sur les normes d’intervention, appelé RNI.

Le Règlement sur les normes d’intervention – RNI

De manière à s’adapter à un climat social changeant, le cadre de gestion s’est adapté au fil du temps. En 1988, le ministère des Ressources naturelles a adopté le Règlement sur les normes d’intervention. Il énumère une série de règles à suivre ayant pour but d’assurer un renouvellement de la forêt, la protection de l’ensemble des ressources du milieu forestier et l’harmonisation des usages entre l’aménagiste forestier et les autres utilisateurs (MRNF, 2003l; MRNF, s.d.).

Autres éléments

En 1991, c’est en concertation avec le ministère de l’Environnement et l’industrie forestière que le ministère des Ressources naturelles élabore une stratégie de protection des forêts. Une vaste consultation est par ailleurs menée par le BAPE sur cette stratégie. Ainsi, cela débouche sur la stratégie de protection et sur l’abolition de l’utilisation de pesticides en 1994 (BAPE, 1991; MRNF, 2008g; MRNF, 2003e).

En 1995, c’est au tour de la forêt privée d’être à l’avant-plan, avec un sommet et la création des Agences de mise en valeur des forêts privées.

Critères et sous-critères de l’aménagement durable du Conseil canadien des ministres des forêts (CCMF)
1 – Diversité biologique
1.1 – Diversité des écosystèmes
1.2 – Diversité des espèces
1.3 – Diversité génétique
2 – État et productivité des écosystèmes
3 – Sol et eau
4 – Contribution aux cycles écologiques planétaires
4.1 – Cycle du carbone
5 – Avantages économiques et sociaux
5.1 – Avantages économiques
5.2 – Répartition des avantages
5.3 – Durabilité des avantages
6 – Responsabilité de la société
6.1 – Droits ancestraux et droits issus de traités
6.2 – Connaissances traditionnelles des Autochtones en matière d’utilisation des terres et d’écologie forestière
6.3 – Bien-être et résilience des collectivités forestières
6.4 – Prise de décisions équitable et efficace
6.5 – Prise de décisions éclairée

Puis en 1996, les critères de l’aménagement durable des forêts sont enfin intégrés à la Loi sur les forêts. Cependant, cette intégration n’est que partielle, puisqu’elle n’est faite qu’en préambule de la loi.